Par un arrêt récent cité en référence, la Cour de cassation s’est prononcée sur le périmètre du droit de préemption de la SAFER.
Par principe, elle ne peut préempter un bien que si, au jour de son aliénation, il avait un usage agricole ou une vocation agricole ou encore s’il faisait partie d’une exploitation agricole (bâtiments par exemple).
La question posée à la Cour, par le biais de ce pourvoi, était la suivante : Est-il possible de considérer que cette condition d’usage agricole ou de rattachement à une exploitation est remplie dès lors qu’aucun changement de destination des immeubles n’est intervenu entre la cessation de l’activité agricole et la vente des immeubles ?
Dans le cas d’espèce, la vente intervenait, aux enchères, 12 ans après la liquidation judiciaire de l’exploitation agricole.
La SAFER a entendu exercer son droit de préemption et a été assignée par l’adjudicataire.
L’affaire est portée devant la cour d’appel qui a déclaré régulière l’intervention de la SAFER.
L’adjudicataire s’est pourvu en cassation en expliquant principalement que le droit de préemption de la SAFER ne peut porter que :
– sur un bâtiment d’habitation si ce dernier fait partie d’une exploitation agricole,
– sur les bâtiments d’exploitation lorsqu’ils ont, au jour de l’aliénation, un usage agricole,
– sur les parcelles classées en nature bois et forêt uniquement si elles sont aliénées avec des parcelles non boisées dépendant de la même exploitation.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel, elle rappelle l’argumentation de la Cour comme suit :
« Pour déclarer valable la décision de préemption de la SAFER, l’arrêt retient que, si la maison d’habitation et les dépendances n’ont pas actuellement d’utilisation agricole, c’est uniquement en raison de l’arrêt forcé de l’activité agricole, le 27 septembre 2003, de M. et Mme [O] qui ont fait l’objet d’une liquidation et dont les biens ont été vendus par adjudication, que ces biens n’ont donc pas fait l’objet d’un changement de destination et ont pleine vocation à desservir l’exploitation agricole, que, pour ce qui concerne les bois et taillis, l’article L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime les exclut des biens insusceptibles de donner lieu à préemption lorsqu’ils sont vendus, comme en l’espèce, avec d’autres parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole, et enfin que, pour ce qui concerne les parcelles situées en zone urbaine, il importe peu que celles-ci soient situées dans une telle zone, dès lors qu’elles sont néanmoins exploitées à des fins agricoles comme l’affirme la SAFER sans être contredite. »
Et conclut en jugeant :
« En se déterminant ainsi, par des motifs tirés d’une absence de changement de destination, inopérants à caractériser, au jour de l’aliénation, tant l’usage agricole des dépendances que l’existence d’une exploitation agricole dont dépendent les bâtiments d’habitation et les parcelles non boisées vendues avec celles en nature de bois et de taillis, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Ainsi, à travers cette décision, la 3ème chambre civile rappelle les conditions de mise en œuvre du droit de préemption de la SAFER quant aux immeubles et souligne l’indifférence à leur absence de changement de destination.
En d’autres termes, l’absence de changement de destination n’est pas un critère, n’est pas un argument qui renverrait au texte précité.
Référence et lien : Civ. 3e, 4 sept. 2025, FS-B, n° 24-13.064